Ian Lipinski, la grande interview (2/3) : « La CIC Med Channel Race, ma découverte de la Méditerranée »

Ian Lipinski va disputer en 2025 l’une des plus riches saisons de sa carrière de navigateur. Le skipper du Class40 Crédit Mutuel, qui dispose d’un nouveau bateau mis à l’eau en 2024, sera en effet au départ de nouvelles épreuves du calendrier de la catégorie. A commencer par la CIC Med Channel Race, course créée cette année et disputée en Méditerranée où il n’a jamais navigué. Une découverte qu’il va faire en compagnie d’un équipier qui, lui, la connaît bien !

PA-fog

Publié le 25/04/2025

Dans le port de Marseille attendant le départ de la CIC Med Channel Race, le Class40 Crédit Mutuel, 158e unité de la série des Class40, skippé par Ian Lipinski (cprght Credit Mutuel)
L'itinéraire de la nouvelle CIC Med Channel Race, qui s'élance pour la première fois en 2025 (cprght CIC Med Channel Race).
L'affiche de la nouvell course au calendrier de la Class40 : la CIC Med Channel Race (cprght CIC Med Channel Race).

Votre premier rendez-vous en course en ce début d’année 2025, c’est la première édition de la CIC Med Channel Race. Une course en Méditerranée, c’est nouveau pour vous !

Ian Lipinski : « Voilà plusieurs années qu’avec Crédit Mutuel nous attendions l’occasion de naviguer en Méditerranée. Histoire qu’il n’y ait pas que les Bretons et les Normands qui voient le bateau ! Je me réjouis donc de participer à cette nouvelle course du calendrier Class40. Je connais très peu la Méditerranée, mais je vais être accompagné par un co-skipper italien, Alberto Bona, dont c'est le terrain de jeu. On va essayer d’y décrocher le meilleur résultat possible. La Méditerranée peut être très changeante, avoir des zones avec peu de vent, des effets de sites près des îles – que l’on peut d’ailleurs aussi rencontrer en Bretagne. Pour toutes ces raisons, il va falloir être très opportunistes face aux possibles renversements de conditions. On va peut-être avoir des choix de routes qui vont nous éloigner les uns des autres, et puis d’autres où il n’y aura pas 36 calculs ! C’est cette semaine, avec les prévisions météos fiables, que nous allons choisir nos options. Ce qui est fou dans les courses au large, c'est que l'on commence groupés, très au contact, mais que l’on peut assez rapidement se retrouver tout seul. On croit alors que l’on est dans des stratégies différentes, seul sur son coin d’océan, qu’on ne reverra personne. Mais on ne voit pas très loin en mer et les autres sont souvent plus proches qu’on ne le croit. Et, quelques heures plus tard, la flotte est soudain regroupée avant de se séparer de nouveau ! Ces rebondissements sont assez rigolos à vivre !

Pourquoi disputer la CIC Med Channel Race avec l’ancien Crédit Mutuel - le « 158 » - alors que vous en avez un nouveau - le « 202 » ?

Ian Lipinski : Le nouveau Crédit Mutuel est en préparation pour le Globe40. Il est en train d’être regréé, rééquipé, renforcé. Ce travail ne pouvait pas attendre. Je vais donc disputer la Med Channel Race avec l’ancien bateau avant qu’il ne passe à quelqu’un d’autre. Je l’ai convoyé moi-même de Lorient jusqu’à Marseille. Pas pour me le remettre en mains - je le connais  ! - mais c'est toujours bien de naviguer. Après la parenthèse hivernale, j’étais content de reprendre la mer, qui plus est sur une route que je ne connaissais pas : je n’avais jamais franchi le détroit de Gibraltar ! Et puis j’ai abordé ce long convoyage comme un plaisir différent de celui de la course. En course, on est à fond tout le temps, obligés d'être à 400% et de tout faire trembler. Là, au contraire, j’ai eu le temps d’apprécier des moments qui, d’habitude, sont fugitifs : j’ai fait des pauses pour regarder le soleil, la mer et le reste…

Certains skippers disent que les courses courtes sont plus épuisantes que des transatlantiques du fait de l'intensité de ce sprint qui ne laisse aucun temps de repos. Vous ressentez la même chose ?

Ian Lipinski : Ce sont des difficultés différentes. D’un côté on court le 400m, de l’autre le marathon ! Les deux sont durs et le but du jeu est d'essayer d'être meilleurs que les autres en donnant tout, en étant à la limite de ce dont on est capable. D’un côté, on calcule son effort sur quatre jours, de l’autre sur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Et c'est toujours dur parce que l’on cherche en permanence à être à la limite dans le cadre du tableau de marche.

Les Class40 sont-ils difficiles à barrer à la limite ?

Ian Lipinski : Ces bateaux ne sont pas compliqués à emmener pour quelqu’un qui fait de la voile. Ce qui est dur, c'est d'aller plus vite que celui d'à-côté...

Courses de 4 ou 5 jours, transatlantiques, circumnavigations, avez-vous une préparation différenciée ?

Ian Lipinski : Comme tous les skippers professionnels, j’essaie de me maintenir en permanence au meilleur de ma forme. J’y arrive assez facilement car j’aime le sport. Je fais du vélo, du renforcement musculaire. La question de la condition physique est un point important de notre performance. Ça permet notamment de moins puiser dans les réserves à chaque manœuvre. Autre aspect important : la prévention des blessures. Quand on est en forme, on est plus vigilant, plus vif et précis dans ses réactions. On évite les maladresses, on a de meilleurs réflexes. C’est très utile sur un bateau de course sur lequel il y a plein d’occasions de se faire mal. Mieux vaut donc prendre le départ en super forme !

Et la gestion du sommeil ?

Ian Lipinski : Le sommeil, c’est mon gros point : je suis convaincu qu’il faut dormir le plus possible… mais je n’y arrive pas ! Je ne dors pas assez et je ne fais pas de progrès en ce domaine. Je suis tellement engagé, tellement excité pendant les courses, que j'ai du mal à débrancher et aller dormir. J’essaie, je me mets dans la couchette mais, dès que je m'allonge, je pense à telle chose à faire, à telle autre. Même lors des rares moments un peu plus creux, je n’y arrive pas ! Je préfère être juste contemplatif et apprécier le moment.

En course, il peut y avoir des moments de plaisir ?

Ian Lipinski : Il y a des moments de pause, des moments où la mer et le vent sont constants, le réglage du bateau optimal, ça file, il n’y a pas grand-chose à faire. Des moments où je pourrais – où je devrais – aller dormir. Mais je préfère profiter, regarder, ressentir, prendre du plaisir. Le plaisir, c’est un élément de performance. Je veux dire que c’est parce que je peux prendre du plaisir en course que je peux être performant. »

FIN DE LA 2e PARTIE
.1ère PARTIE : « Le nouveau Class40 Crédit Mutuel, plus puissant que le précédent »
.3e PARTIE : « Le Globe40, mon premier tour du monde ! »