Ian Lipinski, la grande interview (1/3) : « Le nouveau Crédit Mutuel, plus puissant que le précédent »

Ian Lipinski va disputer en 2025 l’une des plus riches saisons de sa carrière de navigateur. Le skipper du Class40 Crédit Mutuel sera en effet au départ de nouvelles épreuves du calendrier de la catégorie, programme auquel il ajoute un nouveau défi : le Globe40, le tour du monde en équipage à deux à la barre du nouveau Crédit Mutuel mis à l’eau en 2024. Présentation du bateau par son skipper.

PA-fog

Publié le 25/04/2025

Le nouveau Class40 Crédit Mutuel de Ian Lipinski, 202e unité de la classe (d'où son numéro de course permanent), lors de sa mise à l'eau en avril 2024 à Lorient (cprght Crédit Mutuel_QAPTUR).
Ian Lipinski, skipper du Class40 Crédit Mutuel (cprght JM_Liot Normandy Channel Race).
Le nouveau Class40 Crédit Mutuel de Ian Lipinski, 202e unité de la famille des bateaux de la jauge Class40, mis à l'eau en avril 2024 (cprght JM_Liot Normandy Channel Race).
Le nouveau Class40 Crédit Mutuel de Ian Lipinski, 202e unité de la classe (d'où son numéro de course permanent), lors de sa mise à l'eau en avril 2024 à Lorient (cprght Crédit Mutuel_QAPTUR).
Le nouveau Class40 Crédit Mutuel de Ian Lipinski, 202e unité de la classe (d'où son numéro de course permanent), lors de sa mise à l'eau en avril 2024 à Lorient (cprght Crédit Mutuel_QAPTUR).

En quoi votre nouveau Crédit Mutuel, le 202e de la série depuis la création de la Class40, est-il plus perforant que le premier Crédit Mutuel, le 158e (voir notre sujet sur l’histoire de la Class40 pour comprendre la numérotation des bateaux de la Class40) ? Qu’apporte le 202 que le 158 n’avait pas ?

Ian Lipinski : « Il est difficile de chiffrer la rapidité d'un bateau. On a essayé de se baser sur le 158, qui était déjà une très belle réussite, et on a essayé de l'améliorer, d'augmenter la puissance du bateau et sa capacité à « planer » un petit peu plus rapidement que le premier. On a fait évoluer la quille et les safrans. Au final, le 202 est extrêmement puissant c'est-à-dire qu'il a une coque très large au niveau de la flottaison, une belle stabilité, tout en conservant la capacité à bien « passer dans la mer », c’est-à-dire à entrer dans la vague et à surfer. Il est stable sans être freiné et permet d’être à l’attaque dans la mer très formée, voire dans le gros temps.

Le règlement de la Class40 oblige à travailler par petites touches, pas de révolution d’architecture ?

Ian Lipinski : On ne va chercher la rapidité et la puissance qu’avec un travail subtil, ce qui n'est pas facile. On n'a pas de foils et peu d'options par rapport à des catégories comme les IMOCA. Ça se joue essentiellement sur la carène. En 2019, avec le 158, on avait amené un concept très novateur en ce domaine et généré un bel écart de performance sur les autres. Mais, depuis, tout le monde a travaillé et le niveau s’est resserré. On a également revu la structure puisque les cadences de course de la Class40 augmentent  ; les bateaux sont de plus en plus rapides, de plus en plus sollicités, il faut les renforcer. Nous avons donc dessiné le 202 en pensant, à la fois, puissance et solidité. Et puis on a fait dans le détail, dans l’optimisation. Dans tous les compartiments, on est à la limite de l’exercice.

La part de l’humain dans l’accomplissement de la performance augmente donc ?

Ian Lipinski : Dans notre sport, le bateau peut être bourré de qualités et en effet faire la différence à l’arrivée. Mais la part du marin dans la performance reste élevée – même s’il est rare de voir un navigateur gagner avec un bateau peu performant. Les courses au large restent cependant de grosses aventures. Ça se joue toujours à l'humain. Et plus la route est longue, plus c’est vrai. Compte tenu du temps que l’on passe en mer et de la puissance des bateaux, nous avons aussi amélioré plein de choses en matière d'ergonomie. Comme les bateaux sont de plus en plus puissants, de plus en plus performants, il faut être capable d’en conserver la maîtrise à des cadences de plus en plus élevées. Le skipper ne doit pas être l’élément qui limite la performance…

Combien de temps met-on à apprivoiser un nouveau bateau ?

Ian Lipinski : Bonne question… Je ne sais pas ! Un bateau, on le conçoit avec un cahier des charges précis, on le construit avec des technologies maîtrisées, mais ça reste une machine complexe – et pointue ! – qu’il faut découvrir avec patience. Ces bateaux sont rapides, puissants, au minimum du poids imposé, et ils atteignent facilement, rapidement, des vitesses élevées. J’apprivoise un peu plus ce nouveau Crédit Mutuel à chaque mille. On a essayé de mettre à l’eau un bateau à la fois plus endurant et plus facile à utiliser. On est encore en phase de découverte. Notre échéance avec lui, c’est la course autour du monde, le Globe40.

Vous parliez ergonomie, parlons confort – si cette donnée à un sens sur un bateau de course ! Pour un tour du monde, cela a-t-il plus d’importance ?

Ian Lipinski : Nous n’avons pas sacrifié le confort à la performance. Nous avons un bateau qui est de mon point de vue très vivable. Et, en temps que skipper, je dirais même que je le trouve confortable. Dehors comme dedans, beaucoup d’éléments sont destinés à protéger son équipage. Bien sûr, si on embarque une personne lambda, non-habituée à un bateau de course au large, elle va prendre peur. Un bateau de course dans le gros temps, c’est très impressionnant…

Le gros temps n’impressionne pas le skipper professionnel ?

Ian Lipinski : Ce qui reste dur dans nos courses, c'est la capacité pour le skipper à endurer l’inconfort lié au stress. En permanence dans le gros temps, à chaque vague, vous sentez les sollicitations que le bateau endure. Vous avez la sensation qu’à chaque vague il souffre et vous vous demandez à laquelle il va casser. Voilà ce qui vous hante. Mais ce nouveau bateau cassera moins - c’est l’objectif en tout cas ! »

FIN DE LA 1ère PARTIE
.2e PARTIE : « La CIC Med Channel Race, ma découverte de la Méditerranée »
.3e PARTIE : « Le Globe40, mon premier tour du monde ! »